L’apprentissage en forêt

Depuis plusieurs années, le Carrefour francophone s’intéresse vivement à la pédagogie en forêt.

Il n’est pas nouveau que nos professionnelles de la petite enfance misent sur la nature comme milieu d’apprentissage : les terrains de jeux extérieurs faits de matériaux naturels, les jardins communautaires, la construction de cabanes et les excursions plus fréquentes font maintenant partie de leur quotidien.

Avec la COVID-19 et les nombreuses mesures sanitaires mises en place dans nos centres, passer plus de temps dehors n’est plus seulement un idéal : c’est un modèle créatif et dynamique adapté au contexte actuel.

Céline Kerampran s’est lancée à pieds joints dans l’aventure.

Au centre Boréal des tout-petits, l’aide-éducatrice Céline Kerampran travaille depuis plusieurs mois à planifier un pilote d’un Centre de la petite enfance en forêt. Depuis son entrée en poste il y a plus d’un an, elle est l’une des personnes-ressources pour la programmation en plein air. 

Dans le boisé près du Collège Boréal, situé sur le territoire traditionnel de la nation Atikameksheng Anishnaabeg, Céline aménage un petit terrain en forêt. Elle y construit des cabanes et propose déjà aux tout-petits une programmation et des activités extérieures.

Lors de ses randonnées quotidiennes avec les enfants, elle documente et observe les bienfaits de la nature sur le développement et la santé des enfants. En même temps, elle se ressource sur les meilleures pratiques du milieu, tout en  jetant les bases d’un projet pilote qui servira de modèle de CPE en forêt.

Nous nous sommes entretenu avec Céline Kerampran pour parler de ce beau projet!

« J’ai grandi en Bretagne, en France, sur une presqu’île donc au bord de l’océan (littéralement). Je viens d’une famille nombreuse et comme la maison était très petite, nous étions (très) encouragés à aller jouer dehors, dans la forêt en arrière.

Aujourd’hui j’ai 31 ans et j’ai toujours choisi des emplois en lien avec l’éducation à l’environnement. Quand je pars en vacances, c’est à vélo. Je me sens moi-même lorsque je suis en pleine nature. Ça me permet aussi d’apprécier le confort de mon chez moi. Après une pleine journée dehors c’est tellement agréable d’être au chaud à la maison!

Je me rends compte maintenant à quel point ce sont ces souvenirs d’enfance qui nous permettent de nous construire en tant qu’adulte. Ces liens entre l’enfant et le monde naturel sont particuliers : on sait que les enfants ont besoin de ces connexions et relations émotionnelles pour grandir.

La nature est personnifiée par les enfants. Ils font des câlins aux arbres et disent bonjour ou aurevoir à la forêt, ils développent une vraie relation. Je pense que j’ai créé ce lien fort aussi dès l’enfance. La nature me procure un grand sentiment d’indépendance et de liberté.

La forêt est un environnement exceptionnel. Regarde une branche d’arbre : elle est composée d’écorce, de feuilles ou de bourgeons. C’est déjà trois différentes parties à toucher ou à nommer.

Sur le plan moteur, la forêt est pleine d’obstacles indispensables au développement des enfants. Les roches qui glissent et les racines cachées sous les feuilles… ce ne sont pas des dangers mais des opportunités d’apprendre, d’améliorer sa confiance en soi et ses capacités physiques. Ils apprennent aussi à mesurer le risque et faire les bons choix.

De plus, le potentiel de la programmation en forêt est immense. Entre autres, nous avons hâte d’accueillir des invités Anishinaabe pour transmettre aux tout-petits le caractère sacré de ce territoire pour que les enfants qui sont des amoureux de la nature en deviennent aussi les gardiens.

Quand on est en forêt, on suit les intérêts des enfants. Il y a toujours quelque chose qui va attirer leur attention en chemin.

On suit les écureuils (enfin, on essaye), on remplit les poches de cailloux ou de cocottes, on observe les traces de lièvre dans la neige, on imagine qu’il y a un ours à nos trousses, on lit une histoire ou on prend la collation assis sur nos couvertures, on observe la toile d’une araignée, on pêche des dinosaures dans les flaques d’eau. Oui, oui…

Je me régale à voir leur imagination qui explose. Ils se racontent tellement d’histoires. Devant une flaque d’eau, ils attrapent un bâton et soudainement ils s’assoient et se mettent à pêcher. Avec l’équipe on adore les laisser faire et voir jusqu’où ça nous mène. On est jamais déçues !

L’objectif est de mener un pilote qui soit réaliste, innovant et ambitieux. C’est important que toute la recherche et le travail puisse être utilisé par d’autres CPE ou agences.

C’est un pilote qu’on souhaite suffisamment solide pour que tout le monde puisse s’en inspirer. Il y a également une dimension de développement durable qui est très importante au projet. 

Les jeunes qui grandissent près de la nature développent des qualités de gestion du risque, qui sont justement les qualités recherchées chez les grands leaders. En leur offrant un accès quotidien à la nature, on leur offre aussi les clefs pour être des adultes épanouis, conscients de leur potentiel et qui s’exposent moins aux dangers de la vie d’adulte, car ils auront développé très jeune des compétences énormes en analyse de risque. Sur le plan physique, cette mode du plein air peut également aider à contrer la vague d’obésité qui est en train de déferler au Canada.

On peut être très surpris de l’impact d’une enfance en plein air. On peut s’attendre à une génération qui a plus de confiance en elle, plus de résilience et de créativité. »