publié le mardi 8 mai 2018
par Sophia Bagaoui dans La Slague
Bien que né à la ville, c’est quelque part dans les Cantons-de-l’Est du Québec, avec un père adoptif aussi tendre que dur, une mère-fille aussi aimante que troublée, des chiens aussi énormes que silencieux, que Jeff Moran commence son histoire d’amour avec les mots.
Aujourd’hui, Moran est l’un de ces artistes aussi discrets que talentueux. Il a collaboré avec des artistes d’exception, dont Daniel Lavoie, Louis-Jean Cormier et Catherine Major.
La Slague et le Salon du livre du Grand Sudbury sont fiers d’accueillir Moran dans le cadre de la fin de semaine de la foire littéraire du Salon du livre. Il sera en spectacle le samedi 12 mai à 19 h au Moose Lodge.
Claudine Gagné s’est entretenue avec Moran.
Je reviendrais toujours sur l’œuvre de Léo Ferré parce que je n’en ai pas encore fait le tour. Je tombe encore sur des textes incroyables. Le plus grand, ça reste Léo Ferré, c’est ce qui a profondément marqué ma vie.
J’aime beaucoup le format de la chanson. J’aime la magie d’une chanson de quatre minutes, j’aime la troisième dimension que la musique apporte et ce que l’interprète peut en faire.
Je devais avoir près de 16 ou 17 ans lors que je l’ai découvert. Il n’y avait pas beaucoup de musique chez nous. Mes parents n’étaient pas des collectionneurs de vinyles. Ça a été long avant que je découvre de la musique par moi-même. Ça s’est passé vers l’âge de 16 ou 17 ans, quand j’ai commencé le cégep. J’y ai découvert Desjardins et Ferré.
Puis, il y a des jeunes en ce moment qui écrivent des choses extraordinaires. Il y a un groupe montréalais qui s’appelle Zen bambou. Ils sont tout jeunes, 20 ou 21 ans, et ils écrivent des choses magnifiques. Ils écrivent de façon très simple sur de grandes questions. Il y a aussi le groupe Louize, qui est excellent. Ça me fait vraiment profondément plaisir quand je vois que les jeunes font des choses magnifiques. Il y a un retour au texte, au sens des choses, un langage un peu plus ouvert sur le monde.
En fait, la chanson a été écrite une année avant de faire le clip. À ce moment-là, mon père avait vécu une période grave de maladie, de leucémie. Les paroles tournent autour des constats qu’on fait par rapport à soi-même et aux autres, par rapport aux rêves qu’on n’a pas réalisés.
Avec mon équipe, on avait décidé de sortir cette chanson en court métrage. Quatre jours avant le tournage, mon père m’a fait le coup de mourir très subitement, à la suite d’un retour foudroyant de la maladie. Quelques jours après, mon fils est né. J’étais dans une passe où ma relation au temps était particulière et je devais faire le tournage du clip.
L’homme qui joue mon père dans la vidéo est aussi le réalisateur dudit court métrage. On avait déjà visité le lieu de tournage. On avait aussi parlé de cette espèce de fantôme qui rôde qu’est la mort. Oui, la vidéo s’est écrite un peu avant, mais la réalisation s’est concrétisée quand on a tourné. Le court métrage est un genre d’hommage à mon père.
Aussi, la spiritualité de mon père était très près de la nature. Mon frère et moi avons d’ailleurs été étendre ses cendres dans le bois où nous avons passé beaucoup de temps avec notre père.
Je ne suis pas quelqu’un de très torturé. Je pense que pour aborder de front des sujets douloureux, il ne faut pas être trop torturé. Depuis longtemps dans ma vie, j’ai fait le ménage. Ça fait longtemps que je sais que la vie est courte et que chaque geste est important, qu’il faut se faire confiance.
Mon premier album, Tabac (2007), était plus égocentrique. Je n’avais pas encore tous mes enfants et j’étais enfermé dans un sous-sol à St-Bruno. Ça a sonné comme un album de gars tout seul.
Puis ensuite, j’ai beaucoup voyagé. Juste la dernière année, j’ai fait une centaine de concerts en Europe et seulement 3 au Québec. Je suis très à l’affût de ce qui se passe dans l’actualité internationale. Avec 4 enfants, je suis obligé de savoir dans quel monde ils vivront et je suis obligé de savoir de quelle façon je dois les aider à aborder ce monde. Quand on prend la parole et qu’on a un public, il faut avoir quelque chose à dire. Je n’ai rien contre les chansons qui font rire une fois, mais le problème c’est que ces chansons ne font rire qu’une fois. Après c’est fini. Je préfère faire des chansons qui changent de signification selon l’heure ou le jour. Mes chansons ont cet effet-là. Si on prenait chaque phrase que j’ai écrite, on pourrait trouver 2 ou 3 significations à chacune d’elle. Parfois en spectacle, je trouve une nouvelle signification et ça me couple le souffle. Assez pour me faire pleurer.
« S’il y a quelque chose que je voudrais laisser derrière, c’est l’amour de la langue. En dehors de devenir riche et célèbre, il faut être passionné par la beauté, il faut voir l’importance de prendre la parole en public, de faire les choses autrement. »
La Slague et le Salon du livre du Grand Sudbury t’invitent au spectacle de Moran le samedi 12 mai à 19 h au Moose Lodge.
Prix : adultes (20 $), étudiants (15 $).
Pour vous procurer vos billets, vous pouvez appeler la billetterie officielle de La Slague du Théâtre du Nouvel-Ontario : 705-525-5606 poste 4. Pour l’achat de billets en ligne, c’est ici.